Baisse des prix de l’énergie : quels facteurs à l’œuvre derrière cette tendance ?
Équilibre sur le marché du gaz
Tout d’abord, force est de constater que l’équilibre gazier du continent européen s’est nettement amélioré au cours des derniers mois. En témoigne un taux de remplissage moyen des stocks de gaz de l’UE au plus haut historique, se situant 20 points au-dessus de la moyenne des cinq dernières années et plus de 30 points au-dessus du niveau de l’an dernier qui constituait alors un plus bas historique.
Deux facteurs expliquent principalement un tel revirement de situation.
Météo douce et chute de la demande d'énergie
Premièrement, en dehors des effets liés à une météo particulièrement douce depuis le début de l’hiver, la demande d’énergie des consommateurs industriels et résidentiels a fortement chuté. La baisse de la demande de gaz naturel est de l’ordre de 30% dans l’industrie européenne par rapport à la moyenne historique en raison d’une bascule vers des énergies alternatives (charbon, fuel, diesel), une réduction de la production dans certains secteurs mais aussi des mesures d’efficacité énergétique. Les particuliers ont aussi fourni un effort conséquent sur le chauffage de leur habitation, comme le montre la baisse de la demande d’électricité de l’ordre de 9% hors effet météo mesurée par RTE en France depuis le début de l’hiver.
Meilleure approvisionnement énergétique
Deuxièmement, l’approvisionnement énergétique européen s’est amélioré au cours des mois précédents. Les imports de gaz naturel liquéfié (GNL) se situent à des niveaux très confortables, ce qui a permis de compenser la chute des imports de gaz russe avec l’équivalent de plus d’une centaine de cargaisons livrées en moyenne tous les mois dans les ports de l’UE depuis octobre dernier. La production nucléaire française reste au plus bas historique, même si les scénarios catastrophes ont pu être évités avec le retour de plusieurs réacteurs affectés par le problème de corrosion sous contrainte. Enfin la production d’électricité éolienne et solaire a atteint des nouveaux records historiques en ce début d’année 2023, ce qui a contribué à réduire sensiblement la consommation de combustibles fossiles dans le secteur électrique.
Fin de la crise énergétique ?
L’Europe est-elle pour autant déjà sortie de la crise énergétique ? Si le pire semble derrière nous, plusieurs facteurs de risques subsistent. La baisse des prix de l’énergie devrait tout d’abord permettre à certains acteurs industriels de redémarrer des unités de production, sans toutefois ramener la consommation à son niveau d’avant crise. Les mesures d’efficacité énergétique et un fort ralentissement économique en 2023 devraient en effet peser durablement sur la demande d’énergie dans le secteur industriel. En outre, la production d’électricité thermique à partir du gaz naturel devrait rester soutenue dans les prochains mois au détriment des centrales à charbon en raison de la baisse des prix du gaz et de la forte hausse des prix du CO2.
L’approvisionnement énergétique européen reste fragile et intimement lié au différentiel de prix du gaz entre l’Europe et l’Asie. Un rebond de la demande de gaz naturel en Asie (et plus particulièrement en Chine) pourrait relancer la compétition entre acheteurs pour les volumes de GNL flexibles, principalement en provenance des États Unis. Les problèmes de corrosion sous contrainte affectant le parc nucléaire français vont également limiter la production jusqu’en 2025. N’oublions pas que la capacité de production thermique allemande va se réduire dès avril 2023 avec la fermeture des derniers réacteurs nucléaires en fonctionnement. Elle sera suivie du retour en réserve de capacités de production charbon d’ici à avril 2024.
Enfin, les effets du réchauffement climatique pourraient continuer de contraindre le système électrique européen et nous rappeler l’urgence d’accélérer la transition vers un mix énergétique décarboné. De très faibles précipitations au cours des dernières semaines ont en effet ravivé le spectre d’une nouvelle année de sécheresse, ce qui fut l’un des déclencheurs du pic de prix de l’été dernier.
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