Pourquoi observe-t-on de plus en plus de prix négatifs sur le marché de l’électricité ?

De plus en plus d’épisodes de prix négatifs sont observés sur le marché de l’électricité, tant en Belgique qu’à travers toute l’Europe. Comment expliquer ces variations de plus en plus fréquentes? Tour d’horizon pour mieux comprendre ce phénomène…
Hélène
Hélène D.
19/06/2025 |
energy graph

Une hausse marquée du nombre d’heures à prix négatifs

En Belgique, le nombre d’heures où le prix de l’électricité est devenu négatif explose :
•    252 heures en 2023
•    462 heures en 2024
•    Et déjà 299 heures enregistrées à la date du 10 juin 2025

Une évolution marquante qui laisse présager une année 2025 encore plus volatile.  Cette tendance est également observée à l’échelle européenne, soulignant un déséquilibre structurel croissant entre l’offre et la demande d’électricité.

👉 C’est là tout le défi du marché de l’électricité : l’offre et la demande doivent être équilibrées en permanence pour garantir la stabilité du réseau. Or, contrairement à d’autres formes d’énergie, l’électricité se stocke difficilement à grande échelle. La production doit donc être ajustée en temps réel à la consommation. Cette réalité rend le système plus vulnérable aux déséquilibres, surtout en période de faible demande.

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Nombre d’heures négatives en hausse année après année en Europe

Nombre d’heures négatives en hausse année après année en Europe

Source : ENGIE Energy Scan

Zoom sur le nombre d’heures négatives en hausse année après année en Belgique

Zoom sur le nombre d’heures négatives en hausse année après année en Belgique

 Source : ENGIE Energy Scan

Elia tire la sonnette d’alarme sur les risques de surproduction*

Dès mars 2025, Elia, le gestionnaire du réseau de transport belge, a mis en garde contre les risques de surproduction structurelle lors des journées très ensoleillées. Cette alerte, initialement lancée à l’été 2024, a été anticipée cette année, preuve d’un phénomène qui s’amplifie rapidement.

En cause : la production accélérée mais aussi l’expansion des installations photovoltaïques, couplées à une demande modérée durant les week-ends ou les vacances.
Si la situation ne fait pas peser de risque de black-out, elle nécessite toutefois des mesures correctrices, comme l’exportation des excédents, ou, en dernier recours, le délestage temporaire d’unités de production – une première historique en Belgique. 

Pourquoi les prix de l'électricité peuvent-ils être négatifs ?

Les prix de l’électricité sont fortement volatils et dépendent de nombreux facteurs : prix du gaz, droits CO2, météo, comportement des consommateurs, technologie utilisée pour produire l’électricité, etc
Une heure à prix négatif résulte de l’inadéquation entre l’offre et la demande qui s’explique dans ce cas par :

  • une production importante et peu flexible d’électricité 
  • un faible niveau de demande (comme par exemple les jours fériés, le week-end ou les périodes de vacances).


En effet, les éoliennes et les installations photovoltaïques produisent beaucoup d’électricité lorsque les conditions météorologiques sont propices. Combinée à la production d’électricité des centrales qui assure la fourniture d’électricité pour la consommation de base de jour comme de nuit cela peut rapidement représenter un surplus de production d’électricité.
La complexité de la gestion de ce surplus de production réside notamment dans la limite de flexibilité des actifs de production. Par exemple, la mise en arrêt de ces centrales peut engendrer des contraintes techniques et économiques considérables.

Si ce surplus de production se produit pendant des périodes de faible consommation (par exemple, la nuit, le weekend, les jours fériés ou l’été), l’offre dépasse alors considérablement la demande et les prix peuvent alors devenir négatifs.

Quel est l'impact réel pour les entreprises disposant d'une installation photovoltaïque ?

Pour mieux comprendre l’impact de ces prix négatifs, prenons l’exemple d’une entreprise qui a installé des panneaux solaires. 
Lors des weekends ou jours fériés très ensoleillés, la production photovoltaïque est très élevée et dépasse les besoins de consommation de l’entreprise. L’entreprise injecte donc son surplus d’électricité sur le réseau. 

Cette offre excédentaire ne pouvant pas (totalement) être stockée, elle peut être en quelque sorte considérée comme un “déchet”, créant un déséquilibre sur le réseau et résultant dès lors en un coût pour l'entreprise.

Les prix d’injection deviennent alors négatifs. En d’autres termes, l’entreprise doit ‘payer’ pour injecter l’électricité qu’elle a produite sur le réseau électrique dont l’équilibre est menacé.

Un phénomène surprenant qui heureusement ne représente qu’un impact limité par rapport aux économies totales réalisées annuellement grâce à la production photovoltaïque.

Volume d’électricité injecté vs. prix d’injection (exemple du 13/04/24)

Volume d’électricité injecté vs prix d’injection

Stockage et flexibilité : les clés pour l’avenir

Pour compenser la combinaison d’une surproduction d’électricité et d’une faible consommation, la Belgique pourrait exporter son surplus d’électricité vers ses pays voisins. Cependant, cette exportation n’est pas garantie, car il est fort probable que nos voisins se trouvent dans une situation similaire à la nôtre.
Cette situation représente alors un vrai challenge pour le système énergétique et des efforts en termes de flexibilité sont nécessaires autant au niveau de l’offre que de la demande.
Les acteurs du marché de l’énergie étudient différentes solutions pour mieux pallier ces déséquilibres du marché notamment en améliorant les prévisions de demande et d’offre selon les modèles météorologiques et en mettant en place plus de possibilités de stockage.
Les batteries au cœur de la stratégie de résilience

ENGIE investit massivement dans le stockage par batteries, afin d’absorber les surplus et les restituer lors de pics de consommation. Parmi les projets phares :

  • Kallo : il offrira une capacité totale de 100 MW et une capacité de stockage de 400 MWh. L'exploitation commerciale est prévue au printemps 2027.
  • Vilvorde : il offrira une capacité totale de 200 MW et une capacité de stockage de 800 MWh, soit quatre heures d’alimentation électrique. L'exploitation commerciale se déroulera en deux phases. Les premiers 100 MW en septembre 2025 et les 100 MW restant en janvier 2026.

Ces installations permettent de stabiliser le réseau, valoriser l’électricité excédentaire et limiter les périodes de prix extrêmes.

Par ailleurs, ENGIE accompagne les entreprises dans l’installation de solutions de stockage sur site, pour :

  • lisser leur consommation
  • réduire les injections en période de saturation
  • maximiser la rentabilité de leur production photovoltaïque

Les consommateurs sont aussi appelés à plus de flexibilité en adaptant leur consommation ou leurs heures d’activités selon la prévision des volumes importants de production.

Conclusion

Le phénomène des prix négatifs, bien qu’en apparence paradoxal, est le reflet d’un système énergétique en pleine transition. S’adapter à cette nouvelle réalité passe par :

  • un pilotage plus fin de la consommation
  • une plus grande capacité de stockage
  • et une coopération accrue entre les acteurs du marché.