Demande de gaz en Europe — quelles sont les tendances et quel est l’impact sur les prix du gaz ?

Depuis le début du conflit entre la Russie et l’Ukraine, tous les regards sont tournés vers l’approvisionnement en gaz. Toutefois, le marché du gaz prend une nouvelle direction dans laquelle l’évolution de la demande totale joue un rôle majeur — Gros plan.
Emilie K.
20/09/2022 |

Les prix européens du gaz ont récemment dépassé la barre des 300 €/MWh pour une livraison jusqu’à la fin de la saison hivernale à venir. Cela s’explique principalement par les événements négatifs qui impactent l’approvisionnement, comme le non-redémarrage de Nord Stream 1 (gazoduc reliant la Russie à l'Allemagne via la mer Baltique) et la prolongation de l’interruption de l’usine Freeport LNG (terminal gazier aux États-Unis fermé après un incendie en juin 2022 pour des travaux de maintenance).

Par ailleurs, la demande de production d’électricité à base de gaz  a été plus élevée durant l’été en raison de la faible production d’énergie hydraulique, éolienne et nucléaire sur fond d’une météo chaude, sèche et calme.

Toutefois, le marché du gaz prend une nouvelle direction dans laquelle l’évolution de la demande totale associée à la conjoncture, aux obligations imposées par l'UE en matière de remplissage des stocks et aux décisions européennes joue un rôle majeur

Comment la demande de totale gaz est-elle structurée dans l’Union européenne et au Royaume-Uni ?

La demande de gaz totale est ventilée entre 3 types d’acteurs (chiffres de 2021) :

  • Les grands consommateurs industriels connectés au réseau de transport  : 20 %
  • Les consommateurs résidentiels et commerciaux, incluant des petits acteurs industriels reliés au secteur du réseau de distribution : 62 %
  • Le cycle combiné (CCGT — pour la production d’énergie) : 18 %

Comment la demande de gaz totale évolue-t-elle ?

Ces 3 acteurs réagissent différemment selon la situation du marché. C’est ce que nous constatons à l’heure actuelle :

  • Secteur industriel : particulièrement dépendant des prix de l’énergie et du contexte macroéconomique. Il adapte sa production et sa consommation de gaz principalement en fonction des prix du marché .Depuis septembre 2021, nous avons constaté une réduction (ou destruction) de la demande avec l’augmentation des prix de l’énergie. D’après nos prévisions, cette tendance à la baisse devrait s’intensifier en 2022 et se poursuivre en 2023. Remarque : les éventuelles mesures gouvernementales visant à aider les industries qui consomment énormément d’énergie pourraient également impacter la réduction de la demande de gaz totale dans ce secteur.
     
  • Secteur résidentiel et commercial : est lié aux températures, aux prix et aux régulations. Nous avons d’ores et déjà constaté une réduction (ou destruction) de la demande liée aux prix (effet des températures exclu). La mise en place de certaines mesures concertées en vue de réaliser des économies d’énergie (par ex. limitation de la température à 19 °C cet hiver) renforcera cet effet. Nous prévoyons une poursuite de la tendance baissière (même lorsque les températures baisseront) en 2022 et en 2023. Toutefois, des écarts significatifs pourraient apparaître entre les différents pays européens, en fonction des mesures locales prises afin de réduire la consommation et/ou des subsides directs visant à alléger la charge financière des utilisateurs finaux.
     
  • Secteur du cycle combiné : production d’électricité à partir de gaz : secteur étroitement lié à la demande d’électricité totale et à la disponibilité de tous les autres modes de production d’électricité comme le renouvelable, le nucléaire, l’hydraulique, le charbon… En cas de baisse de la production d’électricité photovoltaïque, éolienne ou hydraulique par exemple la demande d’électricité produite à base de gaz augmentera. C’est précisément cette situation qui s’est produite cet été avec des températures élevées — une forte demande d’électricité (climatisation) et une faible production nucléaire (principalement en France) et hydraulique.

D’après nos prévisions, la demande de gaz pour la production d’énergie restera importante en 2022, mais une éventuelle baisse de la demande d’électricité pourrait limiter l’aspect positif.

Que se passe-t-il du côté de l’approvisionnement en gaz ?

  • Pipeline

La principale incertitude au niveau de l’approvisionnement reste bien entendu le sort des exportations de gaz russe en Europe via les gazoducs résiduels (via l’Ukraine et le Turkstream) à la suite du non-redémarrage du gazoduc Nord Stream 1 après les travaux de maintenance de fin aout Remarque : une maximisation des exportations de gaz vers l’Europe via le gazoduc norvégien pourrait améliorer quelque peu la situation, mais beaucoup moins que l’approvisionnement en GNL.

  • GNL

Les importations européennes de GNL ont atteint des niveaux records durant les huit premiers mois de cette année. Nous nous attendons à ce qu’elles se maintiennent à ce niveau étant donné que les prix TTF depuis le début de l’année sont beaucoup plus élevés que les prix spot du GNL en Asie et que les courbes à terme continuent à afficher un surcoût important pour l’Europe.

  • Stocks

En dépit de la chute des exportations de gaz russes en Europe, les niveaux de stock européens sont conformes aux moyennes historiques de 85 % de remplissage à la mi-septembre, soit 5 points de pourcentage au-dessus de l’objectif européen fixé à 80 % d’ici au 1er novembre. Cette situation pourrait réduire la demande d’injection au cours des prochaines semaines, par rapport aux suppositions initiales.

Quelles sont les décisions européennes et quel est leur impact ?

Le discours sur l’État de l’Union du président de la Commission européenne le 14 septembre dernier n’incluait pas de mesures spécifiques visant à limiter les prix de gros du gaz ni à limiter les prix de la production d’électricité à partir de gaz. Néanmoins, la CE invite les États membres à réduire leur demande d’électricité de pointe, ce qui pourrait limiter l’augmentation de la demande de gaz pour la production d’énergie.

Une taxe exceptionnelle sur les bénéfices de la production non alimentée en gaz et une cotisation de solidarité des producteurs de combustibles fossiles devraient contribuer au financement de mesures visant à aider les utilisateurs particuliers et commerciaux à faire face à l’augmentation importante des factures d’énergie.

Remarque : le vote final du Conseil européen de l’Énergie de l’UE sur les propositions de la CE est prévu le 30 septembre.

Comment l'équilibre entre l'offre et la demande évoluera-t-il et quel sera l’impact sur les prix du gaz ?

Dans l'ensemble, les propositions de la commission ne font état d'aucune mesure coordonnée ni d'aucun objectif contraignant pour réduire la demande de gaz à l'heure actuelle. Cela explique peut-être pourquoi les prix ont pu rebondir brièvement après ces premières déclarations non concrètes. Toutefois, nous pensons que la Commission annoncera les objectifs de réduction de la demande pour chaque État membre d'ici la fin du mois d'octobre.

Par ailleurs, nous prévoyons que la baisse constatée de la demande des ménages ainsi que la disponibilité de l’approvisionnement en GNL (notamment des États-Unis) resteront les principaux facteurs d’influence des prix du gaz européens dans les semaines à venir. La disponibilité des centrales nucléaires françaises, le niveau de production d’énergie renouvelable et les écarts de température devraient aux aussi continuer à jouer un rôle important.

Pour conclure, l’évolution de la demande de gaz ainsi que le niveau de production d’électricité par des centrales non alimentées au gaz resteront les principaux facteurs qui détermineront les prix du gaz au cours des prochains mois.

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